La treizième session de la Conférence de Parties à la Convention de lutte contre la Désertification (COP13 UNCCD) qui s’est tenue du 06 au 16 septembre 2017, à Ordos, Chine, a initié une campagne mondiale pour sauver les terres productives avec déjà l’engagement de plus de 110 pays à assurer la neutralité en termes de dégradation des terres (NDT) d’ici 2030. Cette cible nationale d’action pour la NDT répond également aux objectifs de développement durable en particulier l’objectif 15.3 et permet aux pays de mobiliser des ressources en faveur d’une gestion plus responsable des ressources naturelles.

Surtout si l’on se réfère à certaines estimations qui relèvent qu’en moyenne, 12 millions d’hectares sont perdus chaque année et que 169 pays sont affectés par la dégradation des terres, la désertification et la sécheresse avec un impact direct sur les moyens de subsistance d’environ 1,5 milliard de personnes (FAO, 2011).

La neutralité en termes de dégradation des terres vise principalement la prévention et ou la réduction de la dégradation des terres, la remise en état des terres partiellement dégradées et la restauration des terres désertifiées. La NDT est atteinte lorsque la quantité et la qualité du capital naturel terrestre sont stables ou augmentent malgré les impacts des changements environnementaux planétaires.

Un cadre scientifique pour la NDT

La COP a adopté des décisions liées au Comité de la Science et de la Technologie (CST) dont la promotion de l’analyse, de la diffusion et de l’accessibilité aux meilleures pratiques et du Centre de connaissances de la Convention, et la collaboration avec des groupes ou organes scientifiques intergouvernementaux tels que le GIEC et l’IPBES. La treizième session a également adopté une décision pour l’amélioration de l’efficacité de l’Interface Science-Politique dont le rapport sur le Cadre Conceptuel Scientifique de la neutralité en termes de dégradation des terres (NDT) a été approuvé.

Ce rapport constitue un guide pratique et scientifique pour le suivi de la NDT et fournit des orientations sur la meilleure manière d’évaluer la dégradation des terres, de définir des mesures de gestion appropriées, puis de rendre compte des avancées réalisées en vue de parvenir à la NDT. Il est applicable à toutes les utilisations des terres – à savoir les terres gérées pour la production, i.e. agriculture, sylviculture ; pour la conservation, par ex. les zones protégées ainsi que les terres occupées par des infrastructures et des établissements humains – et tous les types de dégradation des terres, quel que soit le contexte national, afin qu’il puisse être mis en oeuvre de manière harmonisée par l’ensemble des pays qui s’engagent pour la NDT.

La mise en oeuvre de la NDT est gérée à l’échelle des paysages et tient compte de toutes les unités de chaque type d’occupation des terres et de leurs interactions et trajectoires écologiques afin d’optimiser les interventions de NDT dans chaque unité pour empêcher les pertes nettes par type d’utilisation des terres ou ne pas dépasser un certain seuil.

Les indicateurs de NDT sont la couverture terrestre (modification de la couverture terrestre), la productivité des terres (production primaire nette) et les stocks de carbone (carbone organique du sol). Cependant, les pays sont encouragés à définir des indicateurs complémentaires qui tiennent compte de leurs spécificités nationales et infranationales.

Le suivi de la réalisation de la neutralité permettra de quantifier l’équilibre entre la superficie des gains (changements positifs importants des indicateurs de NDT = amélioration) et la superficie des pertes (changements négatifs importants des indicateurs de NDT = dégradation) pour chaque type d’occupation des terres dans l’ensemble du paysage.

Le nouveau cadre stratégique de la Convention

La COP13 a adopté la décision d’un cadre stratégique pour la réalisation des objectifs de la Convention et du Programme de développement durable à l’horizon 2030, en particulier, de l’objectif de développement durable (ODD) 15 et de la cible 15.3, l’amélioration des conditions de vie des populations touchées ; et pour le renforcement des services fournis par les écosystèmes.

Il repose sur cinq objectifs stratégiques : l’amélioration de la condition des écosystèmes affectes ; l’amélioration des conditions de vie des populations affectées ; l’atténuation, l’adaptation et la gestion des effets de la sècheresse ; la génération des bénéfices environnementaux globaux et la mobilisation des ressources financières substantielles et additionnelles.

La Stratégie sera essentiellement mise en oeuvre aux niveaux national et sous-régional, avec l’appui des institutions, des partenaires et des autres parties prenantes. Les pays sont invités, entre autres, à élaborer, exécuter, réviser et suivre régulièrement des plans et ou des programmes d’action nationaux, sous-régionaux et régionaux, pour en faire des outils efficaces de mise en oeuvre de la Convention et à présenter des rapports nationaux pour le suivi des progrès accomplis dans la mise en oeuvre de la nouvelle Stratégie. La présentation des informations sur la mise en oeuvre de la stratégie demeure facultative et repose sur les indicateurs des objectifs stratégiques.

La nouvelle stratégie ne fait pas explicitement mention des acteurs de la société civile. Toutefois la décision y afférente adoptée souligne le rôle important que joue la société civile dans toutes les questions liées mise en oeuvre de la Convention au niveau local, national, sous-régional et régional et confirme à nouveau son importance dans la mise en oeuvre de la Convention et du cadre stratégique − Cadre stratégique de la Convention (2018-2030). La Conférence des Parties encourage les Parties à accroître la participation de la société civile à la mise en oeuvre de la Convention et du Cadre stratégique de la Convention (2018-2030).

Le financement de la neutralité en termes de dégradation des terres

Le lancement du fonds NDT au segment de haut niveau a suscité des espoirs quant à la mobilisation des moyens pour l’atteinte des objectifs de la NDT. Co-promu par le Mécanisme mondial et Mirova, une société française de gestion d’actifs, le Fonds NDT est décrit comme le premier «fonds d’investissement à impact global de gestion privée» spécialement destiné à appuyer la mise en oeuvre des ODD. Le lancement du Fonds a été bien accueilli par les délégués de la COP 13, bien que la capitalisation initiale de 300 millions de dollars US soit bien inférieure à l’objectif annuel initialement annoncé de 2 milliards de dollars.

La possibilité de renforcement les synergies de mise en oeuvre et d’alléger le processus des communications nationales a été souligné avec l’annonce du GM que le projet de préparation de projet, mis en oeuvre conjointement avec les deux autres conventions de Rio, est proche de l’opérationnalisation, dans le but de soutenir des projets qui visent simultanément les objectifs des trois conventions.

Les organisations de la société civile restent préoccupés par le fait que des investissements fonciers à grande échelle axés sur le profit ne s’intéresseront qu’au plus fructueux et ne feront pas avancer l’objectif principal de la Convention consistant à contribuer, à travers le soutien de la GDT, à l’amélioration des moyens de subsistance des communautés vivant dans les zones les plus pauvres et les plus dégradées au monde.

Par ailleurs, l’effectivité réelle du Fonds NDT pour respecter ses promesses de promotion de projets « transformationnels » pour la majorité des Parties est, selon certains, à déterminer.

La société civile : principal acteur responsable de la mise en oeuvre de la Convention

Les participants de la COP13 lors d’une visite de terrain à Hujin Oro à Ordos, Mongolie Interieure, Chine

Plus de cent-soixante d’organisations de la société civile ont été accréditées lors de cette COP dont au moins trente-cinq (35) de la région Afrique. Ce qui porte à 492 le nombre globale d’organisation de la société civile accréditées à la Convention de lutte contre la désertification.

A cette session, la société civile, coordonnée par le Panel des OSC, a montré une présence dynamique et sa participation a connu un réel impact en matière de plaidoyer pour les droits fonciers des peuples et le genre ; en activités (sessions parallèles, session de dialogue, session de haut-niveau, table-ronde, déclarations, publications, blogs, tweets, etc.) et en décisions par la COP, le CST et le CRIC.

Officiellement, la société civile a organisé le vendredi 09 septembre une session de dialogue ouverte avec les pays Parties. Elle était axée sur « la terre et le climat » et avait pour objectif d’identifier les synergies entre l’adaptation et l’atténuation qui pourraient trouver leurs réponses dans la gestion durable des terres. La session a servi de plateforme d’échange pour des représentants de la société civile d’Afrique, d’Amérique latine, d’Asie et des pays du Nord de présenter des expériences pratiques ayant des avantages tangibles d’adaptation et d’atténuation. Il s’agit principalement d’activités de développement agricole, de la sécurité alimentaire, d’amélioration de variétés locales, de conservation et de protection des ressources naturelles, de gestion des ressources en eau, de sensibilisation, de renforcement de capacité, de financement et gouvernance inclusive de l’environnement.

Les expériences partagées par la société civile pour la gestion durable des terres ou la lutte contre la dégradation du climat mettent en évidence la nécessité d’une mise en oeuvre concertée des programmes ou projets liés à ces problématiques pour faire émerger une véritable perspective de développement durable. Il revient cependant aux pays de trouver au niveau national les politiques et mécanismes adéquats d’harmonisation car la gestion durable des terres ou le changement climatique, même s’ils ont des justifications et des approches différentes aboutissent pratiquement au même objectif qui est d’améliorer les conditions de vie des populations notamment vulnérables.
A l’occasion de la session de dialogue, la Secrétaire Exécutive de la CNULD a fait observer que les OSC sont les principaux acteurs responsables de la mise en oeuvre de la Convention car elles travaillent en étroite collaboration avec les acteurs locaux et sont en mesure de servir de passerelle pour le flux de connaissance entre les gouvernements et les communautés locales.

Le segment de haut-niveau a été un moment important pour la société civile de porter le débat sur le « Genre et les droits fonciers » sous la présidence du Sous-Ministre des Affaires environnementales de l’Afrique du Sud. Les échanges sont revenus sur le rôle crucial des femmes dans la gestion durable des terres notamment l’agriculture et l’élevage ainsi que la nécessité d’accroître leur participation dans la prise de décision et de garantir leurs droits de propriété foncière.

Conclusion

La 13e Conférence des Parties à Ordos a remis la question de la désertification, de la sécheresse et de la dégradation des terres à l’ordre du jour de l’agenda politique internationale à travers la cible 15.3 des ODD relatif à la neutralité en termes de dégradation de terres mais également en mettant en exergue les interrelations avec le climat, la biodiversité, la migration, la sécurité, etc. L’objectif NDT offre ainsi aux pays y compris les organisations de la société civile de valoriser quantitativement leurs efforts de lutte contre la désertification sur la base des indicateurs tels que les superficies sous gestion durable, la productivité des terres et le carbone séquestrée.
Le Canada n’a pas manqué à l’appel parce qu’il a officiellement rejoint cette année la Convention après l’avoir quitté en 2013. La Chine a pu montrer les efforts fournis dans la lutte contre désertification avec la restauration de 6000 km2 du désert de Kubuqi en Mongolie intérieure, qui a sorti 100 000 personnes de la pauvreté et du contrôle de la zone sableuse de la bannière d’Ejin Horo à Ordos qui a été reboisée à plus de 70%.
A l’image de la Chine, de nombreux pays se sont engagés à la réalisation d’objectifs volontaires de neutralité en termes de dégradation de terres.

Les ministres et représentants de haut niveau présents à la COP13 ont ainsi réitéré cette engagement notamment à intégrer davantage les objectifs et pratiques de gestion durable des terres dans les politiques, les projets et les investissements pertinents de façon à continuer la réalisation de la neutralité en matière de dégradation des terres. Ils ont également réaffirmé l’importance de la participation des organisations de la société civile à la mise en oeuvre de la Convention et de son cadre stratégique 2018-2030 et des femmes à tous les niveaux de décision.

Références
– COP13 UNCCD: www.unccd.int
– Site OSC : https://www.csopanel.com
– ENB : http://enb.iisd.org/desert/cop13

Par Emmanuel Seck
ENDA Energie
Dakar, Sénégal
emmanuel.seck@endaenergie.org

Ressources EarthGuinea.org

En savoir plus sur la Neutralité en termes de dégradation des Terres (LDN/NDT), Objectif 15.3 des  ODDS

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