Dans le cadre du partenariat d’échanges de bonnes pratiques avec les organisations de la société civile travaillant dans le domaine de l’environnement du développement durable, EarthGuinea.org a initié la publication d’une serie de tribunes. Après le Mali avec la Régénation Naturelle Assistée -RNA,le Sénégal avec la Neutralité en termes de dégradation -LDN, decouvrez cette semaine, les expériences du Gabon en matière de protection des forêts avec l’Association Culture Nature Edzengtui.

Une tribune de Emmanuel MVE MEBIA, Coordonnateur Général Association Culture Nature Edzengtui, Gabon TILCEPA

Les Communautés Autochtones et Locales du Haut-Ntem (Nord-Gabon) face à l’exploitation forestière : Un Avenir incertain

Pause-Photo des membres de la communauté Baka à Minvoul (Source : ACNE, 2012)

Introduction

Intégré dans le processus de conservation de la diversité biologique depuis 1997, le massif forestier de Minkébé (32 381 km2) connait une crise de Gouvernance par rapport à la mise en œuvre des normes d’accès  et partage des avantages des bénéfices issus des ressources forestières en présence, notamment le bois qui attire les investisseurs chinois depuis quelques années dans la région. En 2012, rappelons-le, une crise similaire opposait les mêmes populations à la Société OLAM,  qui se proposa de cultiver l’hévéa entre Bitam et Minvoul (nord-Gabon). Aujourd’hui, c’est la confusion totale autour de l’exploitation de la Concession Forestière sous Aménagement Durable (CFAD) de TTIB-Konossoville, dont les limites affecteraient le Domaine Forestier Rural (DFR).

Contexte

Le massif forestier de Minkébé (32381 km2) figure parmi les forêts équatoriales les plus intactes du bassin du Congo. En son sein, se trouve Le parc national de de Minkébé. Jadis, réserve forestière provisoire (Arrêté n°00348/MEFR/DGEF/DFC du 24/09/1997), puis successivement classée en Aire Protégée des Monts Minkébé, avec une superficie de 6000 km2, le 30/12/1999. En 2002, Minkébé est doté du statut de parc national (Décret n° 000515/PR/MEFEMEPN du 30 août 2002.  Initialement soutenu par le Fonds Mondial pour la Nature (WWF) et quelques agences de développement international (USAID, DGIS, etc), plusieurs missions de reconnaissance écologiques y ont été conduites, dans l’optique d’atteindre plusieurs objectifs, dont celui d’aménager durablement le parc de Minkébé et sa large périphérie. Ces reconnaissances terrestres et fluviales ont également visé à mieux connaître et comprendre les activités humaines, dans la perspective d’un plan de zonage et à la mise en place d’une gestion participative.

Carte 1 : Aperçu général du Massif (vert clair)et Parc National de Minkébé (vert foncé)

 

Plan de Gestion du Parc National de Minkébé (2016-2020)

L’Agence Nationale des Parcs Nationaux, sous-tutelle de la Présidence de la République Gabonaise envisage de mener une politique communautaire, à travers le nouveau plan de gestion (2016-2020), pour atteindre l’objectif global suivant :  « La conservation du Parc National de Minkébé contribue au développement local, tout en renforçant l’adhésion des communautés locales pour la pérennisation des valeurs patrimoniales du parc ». Ainsi décliné, six objectifs spécifiques sous-tendraient les activités à mener, à savoir : l’identification des zones de pêche, ainsi que leur formalisation dans le plan de gestion (1), l’identification de l’ensemble de zones d’orpaillage et leur formalisation dans le cadre de monitoring environnemental (2) l’identification et la formalisation des zones et pratiques d’exploitation des Produits Forestiers Non Ligneux (PFNL) et de chasse en zone tampon (3) la concertation avec les communautés locales et les autres parties prenantes, à travers le Comité Consultatif de Gestion Locale (CCGL) (4), la faisabilité technique et financière de résoudre les conflits « Homme/Faune » essentiellement par la planification spatiale et par un système d’assurance est étudiée (5), la définition d’un mécanisme au sein de l’économie locale, identifié par la CCGL, instaurant les droits d’entrée à 100% dans le parc.

Comparativement aux objectifs ci-dessus déclinés, l’une des plus grandes Concessions Forestières sous Aménagement Durable (CFAD), comprise à plus de 2/3 dans le département du Haut-Ntem (Minvoul) évolue selon le Plan d’Aménagement (Version Finale, 2009-2034). Cette CFAD évolue sur la base des objectifs de « production soutenue ». Autrement dit, « la forêt doit fournir de façon soutenue du bois d’œuvre de qualité ». Dans ce cas, « le volume prélevé ne sera supérieur à la possibilité de la forêt, en fonction de ses capacités à croître et à se renouveler ». Sur le plan social, les objectifs sociaux du plan d’aménagement s’articulent autour de trois objectifs fondamentaux fixés par l’ATIBT (2005). Toutefois, nous rappelons ici que la CFAD-Konossoville, bien qu’exempte de villages, atteste dans sa partie centrale, nord-est et sud-ouest d’anciens villages (bilik) propriété des Fang et Baka. Deux grands villages Baka, à savoir Medoune et Nguinadzôme, se trouvaient aux environs des sources de la Kyè et dans l’Entre Kyè-Ntem.

Une série de production de 130 886 hectares fut révélée par les experts de TEREA (2009) au sein de la CFAD TTIB-Konossoville. Ainsi, 96% de la superficie de l’Unité Forestière d’Aménagement (UFA) fut identifié. Suivant le processus d’exploitation de cette UFA, il faut noter que les ordres de passage en coupe des différentes Unités Forestières de Gestion (UFG) sont les suivants :

Tableau : Rotation des coupes par Unité Forestière de Gestion (2009-2034) (page 84, Plan d’Aménagement TTIB-Konossoville, 2009)

N° UFG Année Exploitation Superficie (en hectares)
UFG 1 2009-2013 27 370
UFG 2 2014-2018 29 120
UFG 3 2019-2023 26 126
UFG 4 2024-2029 26 740
UFG 5 2030-2035 23 530
Total Production 132 886

 

Carte 2 : Distribution des Unités Forestières de Gestions au sein de la

CFAD-Konossoville (MINEF, 2009)

Domaine Forestier Rural (Zone Nord-ouest du Parc de Minkébé)

Le scénario de macro-zonage existe bel et bien dans cette partie du territoire gabonais (WWF, 2006-2007). A la lumière des études effectuées par le Fonds Mondial pour la Nature, à travers le projet de Conservation de la Direction de Faune et Chasse (DFC-WWF) du Massif Forestier de Minkébé, une vaste zone forestière délimitée entre l’axe routier partant du village Meleme (canton Sossolo-Ntem) au village Nsak-Djoum (canton nord), orientation Ndabôre, rivière Nlü, jusqu’à la lisière sud-ouest de la CFAD-Konossoville, avait déjà figure d’espace communautaire, à rendre formel. Au total, c’est une superficie d’environ 1774 Km carré (WWF, 2007) qui pourraient bénéficier d’un statut de forêt communautaire, principalement la zone périphérique du Parc National de Minkébé. En outre, la vaste zone de forêt identifiée entre les rivières Ayina, Ayia et la limite nord du Parc, dont la superficie totale était de 2333 km carré (WWF, 2007), considérée comme « Corridor Biologique » nécessitait également un régime de protection.

Carte 3 : Macro-zonage de la périphérie nord-ouest du Parc National de Minkébé

(Source : MINEF/WWF, 2007)

Accaparement des terres ou Contrat de Gestion ?

D’après le Journal, L’Economie, publié le mardi 31 janvier 2017, « Les Petites et Moyennes Entreprises (PME) locales disent avoir constaté un accaparement des terres dans le Woleu-Ntem (…). Deux sociétés chinoises détiendraient plus d’exploitation que la réglementation ne le permet ». Dans le département du Haut-Ntem (Minvoul), les communautés autochtones se sentent impuissantes de promouvoir leurs droits, face aux chinois (propriétaires actuels de TTIB et CDG), « qui bénéficieraient de permis d’exploitation « XXL » (…), soit l’équivalent de la superficie totale du département du Haut-Ntem », hormis l’espace occupé par le parc national de Minkébé. Toutefois, la Confédération Générale des Petites et Moyennes Entreprises et Industries(CGPME) soutient que les permis acquis par l’exploitant chinois, n’ont pas fait l’objet d’adjudication, mais d’une « procédure de gré à gré », après la remise d’une redevance d’un montant de sept milliards de francs cfa à l’Exécutif.

Vers les acquis du Protocole de Nagoya

Le Gabon a ratifié le Protocole de Nagoya le 12 octobre 2014. Cet outil qui n’est pas suffisamment ventilé, est recommandé par l’ensemble par l’ensemble des communautés autochtones et locales, en vue de promouvoir l’équité sociale. Néanmoins, c’est l’avis partagé des Associations et ONG locales (Association Culture Nature Edzengui, Association Obane Culture, Groupe d’Initiatives Communautaires pour le Développement Durable et l’ONG MINAPYGA ou Minorité Nationale Autochtone Pygmée du Gabon, etc.).

Références Thématiques

ANPN, 2016, Le Plan de Gestion du Parc National de Minkébé (2016-2020), ANPN

FIPAC, 2007, Communiqué Final sur les travaux du Forum International des Populations Autochtones d’Afrique Centrale (FIPAC, 10-15 avril). Imfondo, Congo-Brazzaville.

MEFEP-TTIB, 2009, Plan d’Aménagement CFAD-TTIB Konossoville (2009-2034), TEREA, Libreville.

KNIGHT, Judy, 2003, Relocated to the roadside: Preliminary observations on the forest peoples of Gabon – Institute of Social and Cultural Anthropology. The University of Oxford.

MVE MEBIA, Emmanuel, 1999, Problématique de Gestion de la Biodiversité dans la périphérie nord et nord-ouest de la Réserve de Minkébé (Gabon). Rapport de Mission UOB/WWF Gabon.

MVE MEBIA, Emmanuel, 2001, Habitat Baka et organisation  socioéconomique dans la périphérie nord et nord-ouest de la Réserve de Minkebe (Gabon) : Mémoire de DESS Tourisme Culturel, UOB/WWF, Projet de Conservation de Minkébé, 103 p.

MVE MEBIA, Emmanuel, 2009, Indigenous Peoples of Gabon and Sustainable Development Projects, 3rd European Conference on African Studies, 3-7 june, Leipzig, Germany.

OOSTING, Irene, 2011, Perceptions of Justice regarding Logging and Legislation in Africa: The case of the Baka of Bitouga in Gabon, Master Thesis, RSM Erasmus University, 128 p.

ONU, 2007, Déclaration des Nations Unies sur les Droits des Peuples Autochtones – Résolution adoptée par l’Assemblée Générale le 13 septembre 2007.

PNUE, 1992, Convention des Nations Unies sur la Diversité Biologique, Juin 1992. Rio de Janeiro.

SCHMIDT-SOLTEAU, Kaï, et al 2005, Programme Sectoriel Forêt et Environnement (PSFE) – Plan de Développement des Peuples Autochtones. Rapport Final, juillet 2005. Banque Mondiale, 48 p.

République Gabonaise, 1993, Décret n° 1206/PR/MEFPE du 30 avril 1993, fixant les clauses générales et particulières des Cahiers des Charges en matière d’exploitation forestière.

Rainforest Foundation, 2012, Cartographie Participative Minkké, publié dans http://www.mappingforrights.org/minkebe?language=FR

« Les PME locales disent avoir constaté un accaparement des forêts dans la Province du Woleu-Ntem… ». Publié le 31 janvier 2017 dans http://gabonreview.com/blog/exploitation-forestiere-pme-contre-laccaparement-chinois-forets-woleu-ntem/

Emmanuel MVE MEBIA

mvemebia@yahoo.fr

Vous voulez vous aussi partager vos expériences avec les lecteurs? Rejoignez notre communauté de communicateurs pour le développement  en cliquant ici http://bit.ly/2yVUf0m

ou ecrivez -nous à l’adressse: info@earthguinea.org / earthguinea@yahoo.com en copie à fatiiche@gmail.com

 

 

 

Leave A Comment