Les changements climatiques ne posent pas seulement un problème environnemental, mais apparaissent dorénavant comme le plus grand défi de notre temps en matière de droits de l’homme. Il s’agit d’une question de justice et d’inégalité pour les millions de personnes et les communautés de par le monde qui souffrent déjà des impacts climatiques.
Les changements climatiques représentent aussi un problème pour les générations à venir, qui subiront de plus en plus de pertes et de dommages sévères. L’incapacité historique et actuelle de la communauté internationale à agir dans l’urgence pour atténuer les changements climatiques menace d’autant plus ces droits, en particulier ceux des personnes vulnérables et des communautés qui ressentent déjà les conséquences néfastes des changements climatiques. Cependant, si la communauté internationale agit rapidement, avec le niveau d’ambition et de ressources nécessaire, elle pourra réduire la portée des impacts climatiques les plus sévères.
Comme noté par la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC), le Conseil des Droits de l’Homme (CDH) des Nations Unies ainsi que de nombreux organes scientifiques et gouvernements, les impacts des changements climatiques – ainsi que les mesures prises pour y répondre– nuisent déjà à la jouissance de droits de l’homme fondamentaux internationalement reconnus. Au vu de ces risques, une action immédiate est requise à tous les niveaux pour minimiser et stopper les conséquences des changements climatiques et s’assurer que toutes les solutions proposées promeuvent les droits de l’homme. Jusqu’àlors, la CCNUCC a été peu rapide à traiter de la dimension des changements climatiques touchant aux droits de l’homme.
- Statut Actuel des Droits De L’homme dans le processus de CCNUCC
Le lien entre droits de l’homme et changements climatiques est reconnu par les organes de droits de l’Homme des Nations Unies, mais a reçu très peu d’attention dans le cadre des négociations de la CCNUCC. Le Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies a fait preuve de beaucoup d’initiative dans ce domaine. En 2008, le Conseil a adopté la première de trois résolutions sur les droits de l’homme et les changements climatiques, soulignant que les changements climatiques « font peser une menace immédiate et de grande ampleur sur les populations et les communautés de par le monde et ont des répercussions sur la jouissance effective des droits de l’homme ».
S’appuyant sur cette première avancée, lors des Accords de Cancún en 2010, la Conférence des Parties (COP) de la CCNUCC a fait un premier pas pour l’intégration des droits de l’homme dans le régime climatique. Pour la première fois, la CCNUCC a reconnu l’existence d’obligations liées aux droits de dans le contexte des changements climatiques, notant que, « les Parties devraient pleinement respecter les droits de l’homme dans toutes les mesures ayant trait aux changements climatiques. » Cette même décision a aussi permis de mettre en oeuvre les mécanismes de protection des droits de l’homme à appliquer pour le financement et l’exécution des activités.
Cependant, depuis 2010, la CCNUCC a peu progressé dans institutionnalisation de la protection des droits. Des avancées graduelles ont été observées pour l’intégration de mécanismes supplémentaires de protection des droits de l’homme. Il s’agit notamment de l’engagement de la COP à s’assurer que les communications nationales incluent des informations relatives aux politiques de protection sociale, environnementales ou de gouvernance et qu’aucun paiement pour résultats n’ait lieu en l’absence d’informations démontrant que ces garanties aient été considérées et respectées.
Cependant, dans l’ensemble, les Parties n’ont pas pris les précautions nécessaires pour s’assurer que l’élaboration et la mise en oeuvre des politiques, institutions, mécanismes et solutions climatiques conçus par la CCNUCC soient guidés par les principes des droits de l’homme.
- Conséquences des changements climatiques pour les droits de l’homme et la sécurité alimentaire :
Le Conseil des Droits de l’Homme a constaté que « les changements climatiques font peser une menace immédiate et de grande ampleur sur les populations et les communautés de par le monde et ont des répercussions sur la jouissance effective des droits de l’homme ». Les paragraphes précédentes de ma communication suivants dépeignent la dimension humaine des changements climatiques et servent de sonnette d’alarme pour les gouvernements, appelant la communauté internationale à agir de manière urgente pour protéger leurs droits contre des maux climatiques sévères et irréversibles.
Les conséquences climatiques directes, telles que les phénomènes météorologiques extrêmes et la montée du niveau de la mer, menacent des millions de personnes résidant dans les zones côtières et de basse altitude, tandis que la fonte des neiges et des glaces menace la sécurité des peuples autochtones de l’Arctique. La diminution des ressources d’eau douce et la fonte des glaces constituent un réel danger pour la survie des communautés andines et de l’Himalaya. En parallèle, des mers s’invitent dans des communautés côtières, contaminant les nappes phréatiques. Acidification des océans et aléas climatiques bouleversent les écosystèmes et leur capacité à fournir biens et services aux communautés. L’augmentation des phénomènes météorologiques extrêmes limite la sécurité alimentaire et l’accès à une alimentation nutritive tout en affectant les cours de matières premières, rendant la nourriture chère et difficile d’accès pour les plus démunis.
Les retards accumulés en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre contribuent à une hausse des coûts de l’adaptation, mais aussi des risques de souffrir de pertes et dommages sévères et irréversibles. Les changements climatiques ont exacerbé la pauvreté des personnes vulnérables à travers le monde – et continueront à le faire – alors même que ces personnes sont les moins responsables des émissions de gaz à effet de serre à l’origine de ces changements.
Cet exemple fait correspondre différents impacts climatiques aux droits de l’homme qu’ils menacent ou auxquels ils portent atteinte.
Les mesures prises pour atténuer ou s’adapter à ces impacts climatiques peuvent aussi avoir des effets néfastes sur les vies et moyens de subsistance des personnes et, en particulier, de certaines des communautés les plus pauvres et vulnérables. Par exemple, les activités de Réduction des Émissions provenant de la Déforestation et de la Dégradation des forêts peuvent nuire aux droits des communautés locales et des peuples autochtones qui vivent dans ces forêts et assurent leur gestion; les projets énergétiques de grande échelle peuvent avoir pour conséquence d’expulser des communautés de leurs domiciles et terres ancestrales sans accord ou consultation adéquate.
- Obligation des Etats en matière de droits de l’homme
Obligations en matière de droits de l’homme au vu des changements climatiques
En vertu du droit international ayant trait aux droits de l’homme, les États ont pour obligation de protéger ceux dont les droits sont mis à mal par les changements climatiques, en priorisant les groupes particulièrement vulnérables. Par extension, la CCNUCC, le Conseil des Droits de l’Homme et d’autres mécanismes des droits de l’homme ont reconnu que les États doivent s’assurer que leurs actions climatiques ne violent pas à leur tour les droits de l’homme.
Pour cette raison, les politiques climatiques doivent être conçues, mises en oeuvre et suivies de manière à protéger la jouissance complète et effective des droits de l’homme. Par exemple, les États doivent développer des politiques climatiques nationales telles que les Contributions Prévues Déterminées au niveau National (CPDNs) –par le biais de procédés transparents qui promeuvent la participation effective de toutes les communautés touchées, incluant les peuples autochtones et autres populations vulnérables. Il est aussi important de noter que les pays développés ont la responsabilité d’assister les pays en voie de développement dans leurs efforts pour respecter les droits de l’homme, ce qui complète les obligations des pays développés sous la CCNUCC.
Au-delà de la prévention et minimisation des impacts néfastes, une approche basée sur les droits de l’homme pour lutter contre les changements climatiques contribuera à une plus grande efficacité. Comme souligné par le Conseil des Droits de l’Homme dans sa résolution 10/4, « les obligations et engagements en matière de droits de l’homme peuvent éclairer et renforcer l’élaboration des politiques internationales et nationales dans le domaine des changements climatiques, en favorisant la cohérence des mesures, leur bien-fondé et la pérennité des résultats. » Cette approche est nécessaire à l’obtention de tels résultats, et devra être appliquée à la fois au cours des négociations et lors de l’élaboration et la mise en oeuvre des politiques et des projets sur le terrain.
En insistant sur l’autonomisation, la participation et la transparence, une approche basée sur les droits de l’homme pour lutter contre les changements climatiques peut contribuer à mobiliser la société et à promouvoir des résultats durables. Les droits de l’homme fondamentaux comme le droit d’accès à l’information ou à la participation pleine et effective lors de la prise de décision – accroissent le soutien et l’adhésion publique aux politiques climatiques. Une approche fondée sur les droits aide à clarifier les rôles et responsabilités de chacun en vue de la réalisation de changements clés et, ainsi, à attribuer la responsabilité en cas d’échec ou lorsque des personnes sont affectées négativement par les actions des décideurs. Comme reconnu par le Conseil des Droits de l’Homme, les « effets des changements climatiques toucheront le plus durement les groupes de population déjà en situation de vulnérabilité à cause de facteurs comme la situation géographique, la pauvreté, le sexe, l’âge, le statut d’autochtone, l’appartenance à une minorité ou le handicap. ».
- Conclusion :
Une forte implication de tous les acteurs impliqués sur cette question sera nécessaire afin de garantir le maintien des initiatives des uns et des autres dans l’accord final qui devrait être adopté à Marracheck.
Au-delà de la CCNUCC, il y a eu des progrès importants pour l’intégration des droits de l’homme au sein des mécanismes financiers et des institutions climatiques. Certaines initiatives du programme ont développé des politiques ainsi que des lignes directrices pour l’opérationnalisation des droits de l’homme et la cohésion avec les clauses de protection de la CCNUCC. Par exemple, le programme ONU-REDD a adopté des lignes directrices pour l’opérationnalisation du droit au consentement libre, informé et préalable (CLIP), et le programme ONU-REDD en conjonction avec le Fonds de Partenariat pour le Carbone Forestier ont adopté des directives pour la participation des parties prenantes. De plus, au moins deux fonds climatiques s’intéressent aux droits de l’homme (à des degrés divers) dans leurs politiques opérationnelles. La Politique Environnementale et Sociale des Fonds d’Adaptation (FA) affirme que « les programmes, projets et autres activités soutenus par le FA doivent respecter et, au possible, promouvoir les droits de l’homme internationaux. Les protections environnementales et sociales provisoires du Fonds Vert pour le Climat (FVC) les Critères de Performance de la Société Financière Internationale – même si controversés, font référence aux droits de l’homme, incluant le CLIP dans certains cas.
Par Mr DOUNOH Mory
Conseiller Politique INIDH
Consultant, Formateur en Droits de l’Homme,
Prévention, Gestion et résolution des conflits
+224 628 39 69 30/ 664 64 77 37
BP: 923, Conakry, République de Guinée
Email: dmory83@gmail.com /ongcacpg@gmail.com
Skype: diabamory1
Mory DOUNOH a rejoint notre réseau de communicateurs pour le développement »C4D »
Ressources et Documentations Earthguinea.org
Définition de mots clés:
Les droits de l’Homme : sont les droits fondamentaux de l’être humain. Ils définissent les relations entre l’individu et les structures du pouvoir, en particulier l’Etat. Ils fixent les limites dans lesquelles l’Etat peut exercer son pouvoir et exigent en même temps de l’Etat qu’il prenne des mesures positives pour garantir un environnement qui permette à tous les êtres humains de jouir de leurs droits.
Changements climatiques ou en réchauffement climatique, (réchauffement planétaire ou réchauffement global2), est un phénomène d’augmentation des températures sur la plus grande partie des océans et de l’atmosphère terrestre. Il traduit une augmentation de la quantité de chaleur retenue à la surface terrestre. Il est mesuré à l’échelle mondiale sur plusieurs décennies. Dans son acception commune, ce terme est appliqué à une tendance au réchauffement global observé depuis le début du xxe siècle, entraînant, entre autres conséquences, un changement (ou dérèglement) climatique global.
Lutte contre les changements climatiques: Objectif 13 des Objectifs du Développement Durable
Les cibles de cet objectif:
13.1 Renforcer, dans tous les pays, la résilience et les capacités d’adaptation face aux aléas climatiques et aux catastrophes naturelles liées au climat
13.2 Incorporer des mesures relatives aux changements climatiques dans les politiques, les stratégies et la planification nationales
13.3 Améliorer l’éducation, la sensibilisation et les capacités individuelles et institutionnelles en ce qui concerne l’adaptation aux changements climatiques, l’atténuation de leurs effets et la réduction de leur impact et les systèmes d’alerte rapide
13.a Mettre en œuvre l’engagement que les pays développés parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques ont pris de mobiliser ensemble auprès de multiples sources 100 milliards de dollars des États-Unis par an d’ici à 2020 pour répondre aux besoins des pays en développement en ce qui concerne les mesures concrètes d’atténuation et la transparence de leur mise en œuvre et rendre le Fonds vert pour le climat pleinement opérationnel en le dotant dans les plus brefs délais des moyens financiers nécessaires
13.b Promouvoir des mécanismes de renforcement des capacités afin que les pays les moins avancés et les petits États insulaires en développement se dotent de moyens efficaces de planification et de gestion pour faire face aux changements climatiques, l’accent étant mis notamment sur les femmes, les jeunes, la population locale et les groupes marginalisés
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