Depuis un moment, on constate un relâchement progressif des activités d’assainissement dans la ville de Conakry. L’intensité de travail et le nombre de rotation par jour ont baissé, cela rappelle sans doute au point de chute des stratégies antérieures dont on se souvient encore en Guinée.

Face à de telles situations, la rédaction de notre plateforme a interpelé Sory Camara, président de la fédération des gestionnaires de déchets de Guinée. Avec lui, nous avons développé tant bien que mal des solutions autour de la mise en œuvre de la stratégie durable d’assainissement afin de débarrasser la ville de Conakry d’immondices.

On vous propose de lire ci-dessous l’intégralité de l’entretien réalisé par Younoussa Sylla.

Earthguinea : Bonsoir Monsieur Camara !

Sory Camara : Bonsoir !

Earthguinea : Je rappelle que vous êtes le président de la Fédération des gestionnaires de déchets de Guinée. Depuis un moment, nous constatons un relâchement dans les activités d’assainissement dans la ville de Conakry avec notamment la société turque Albayrak. Quelle analyse faites-vous de la situation ?  

La stratégie est reposée sur les différents acteurs qui ne jouent pas convenablement leur rôle. Les PME ont le rôle de pré-collecter les déchets et les acheminer vers les points de regroupement et certaines peuvent envoyer directement vers les décharges. Mais en ce qui concerne le rôle régalien d’Albayrak, c’est d’assurer le transfert. Mais vous savez si le gouvernement ne s’acquitte pas de son devoir en ce qui concerne les charges relatives au transfert, cela peut créer le problème au niveau de la société, quelle que soit la société ça peut créer des petits retards. Alors notre inquiétude aujourd’hui est que le gouvernement revoie un peu la stratégie par rapport à la définition d’un model économiquement viable qui peut permettre à tous les acteurs de la chaine pour éviter ce que nous sommes en train de voir.

Je l’ai dit sur notre page que la plupart des points de chute de toutes les stratégies que la Guinée s’est dotées en matière d’assainissement, c’est l’argent. Il faut payer l’opérateur qui va assurer le transfert. Et il faut qu’il y ait le budget qui est déjà accessible  parce que si le montant n’est pas accessible les charges de fonctionnement de la société qui s’occupe du transfert deviennent un problème.

Donc par rapport à cela nous invitons le gouvernement à renforcer les capacités techniques et logistiques des PME qui sont en Guinée pour les rendre plus efficaces afin d’assurer le relai une fois que ces multinationales vont faire leur retour. C’est cela aujourd’hui notre préoccupation, que le gouvernement anticipe désormais le paiement des factures de ces prestataires, et que ces prestataires de leur côté voient aussi la complexité du moment. Nous sommes à un moment très difficile, les sociétés ne peuvent pas refuser de transférer les déchets parce qu’il y a des arriérés. Je crois que cela fait partie aussi des engagements de part et d’autre. Surtout il est important que nous nous mettions d’abord au travail, tout ce qui est argents va venir après.

Voulez-vous dire que donner le ramassage des ordures à Conakry à une société n’est pas encore une solution pour débarrasser la ville des déchets ?

Ce qui reste clair, la société Albayrak a fait des preuves qui sont salutaires. Mais il faut que la société Albayrak se fasse accompagner par des entreprises guinéennes pour assurer le transfert là. A ce jour, il y a beaucoup de PME guinéennes qui envoient les déchets à la décharge mais leur situation n’est pas régularisée. Si on a dit que les déchets sont payés à la rentrée de la décharge, quand on paie Albayrak il faut aussi penser aux PME guinéennes. Aujourd’hui, nous souhaiterons que, dans la plupart des déchets qui sont transportés à la décharge, si ce sont les 1200 tonnes de déchets par jour, d’essayer de donner un contrat même si ne serait-ce que de sous-traitance pour les acteurs guinéens sur les 200 tonnes par jour. Comme ça, on va s’habituer et on va être un jour les remplaçants d’Albayrak. Et cela permettra aux entreprises de grandir.

Les mêmes opportunités que Albayrak a eues à travers le contrat même si c’est une entreprise guinéenne qui a le même contrat signé, je suis convaincu et rassuré qu’il y aura des fournisseurs qui peuvent donner des camions de ramassage aux entreprises guinéennes, pour ça je suis rassuré.

Ce qui reste clair, à la date d’aujourd’hui, il est très difficile de trouver une PME guinéenne qui est capable d’assurer le transfert. Mais la logique voudrait qu’il faille créer des entreprises, les rendre efficaces et les préparer pour être la relève le jour que la société Albayrak va partir, c’est ça notre proposition. Parce que si on ne prépare pas la relève de la société Albayrak, le jour qu’elle va se retirer, le système va forcément s’effondrer encore. Donc pour nous aujourd’hui, il faut essayer de sélectionner, ne serait-ce que de prendre les PME qui sont capables, les constituer en de grandes entités, chacune a son camion, on essaie de renforcer toutes leurs capacités techniques, logistiques et administratives, pour que nous ayons une entité qui soit capable de jouer le rôle d’Albayrak.

Nous savons que l’année 2020 a été globalement marquée par la pandémie de Covid-19. Malgré la maladie, à notre avis, vous aviez pu poser quelques actes. Citez-nous quelques-uns ?

Bien sûr que nous avons fait déjà beaucoup cette année. Vous pouvez aller sur le site de notre plateforme. Nous avons en moyenne exécuté 15 projets que nous avons proposés l’année passée. Parmi ces projets, il y a le projet d’éducation environnementale en milieu scolaire, il y a le projet de plus de 200 tonnes à travers l’entrepreneuriat vert. Il y a un autre programme de création de la bourse de déchets, nous avons aujourd’hui créée la bourse de déchets à partir de laquelle on échange des déchets contre les services ou les biens, nous avons réussi à mettre cela. Nous avons également organisé plusieurs ateliers notamment la semaine nationale de l’assainissement qui était à sa première édition. Nous avons également organisé la table ronde communale qu’on a appelé la journée communale de l’assainissement dans quelques communes. Nous avons formé beaucoup d’entrepreneurs dans le secteur d’assainissement dans la certification de leurs biens et services, ceux qui font des pavés, des charbons écologiques, ceux qui produisent des produits recyclés à travers les déchets, on a renforcé la capacité de 50 PME et ONG qui sont aujourd’hui dans le secteur de l’assainissement. Et on continue aussi à orienter et à travailler sur la problématique. Nous avons su mettre en place une commission de réflexion par rapport aux propositions sur la continuité du quatrième pilier du PNDES, parce que les objectifs n’ont pas été atteints pour nous. Ces objectifs sont très intéressants. On ne peut pas concevoir ce programme comme ça, il faut vraiment que nous continuions à atteindre ces objectifs en tenant compte des autres programmes qui seront conçus.

Donc Globalement, nous sommes en train de travailler, même là où je vous parle actuellement nous sommes en formation au niveau de la Guinée forestière dans le cadre de l’autonomisation des femmes et des jeunes en accompagnant une radio locale. La fédération est un partenaire technique du projet. Nous avons formé pour le moment 3606 femmes, et nous sommes en train de former 3000 jeunes, tous sur l’entreprenariat dans le cadre de leur autonomisation. Je pense que les jours à venir nous allons organiser une assemblée générale suite à laquelle nous allons faire une conférence pour partager notre rapport sur le site mais aussi avec tous les partenaires qui évoluent avec nous.

Quel appel lancez-vous au gouvernement pour vous apporter une aide, qu’elle soit financière ou technique ?

L’appel que nous lançons au gouvernement guinéen, c’est de mettre en priorité le recyclage, la valorisation et l’élimination des déchets. Quand nous ne mettons pas ça en priorité, nous ne ferons que déplacer le problème. Il est urgent que le gouvernement guinéen en collaboration avec les spécialistes que nous sommes et d’autres acteurs de créer une valeur ajoutée à chaque type de déchets. Quand il y a une valeur ajouté à un type de déchets, l’Etat ne fournit plus assez d’effort. L’exemple pratique c’est le fer. Depuis que SODEFA a été mise en place il est difficile de voir le fer aujourd’hui. L’Etat ne fait pas assez d’effort pour gérer le fer. Ce sont les gens mêmes qui cherchent le fer. Quand nous prenons le plastique avec SODIAPLAST et Topaz l’Etat ne fournit pas assez d’effort pour les types de plastique qui sont valorisés. Pour tous les types de déchets, il faut créer des unités industrielles qui peuvent les valoriser ou les éliminer. Mais il faut aussi créer un budget qui doit être alimenté pour pouvoir assurer le financement de toutes ces charges.

Merci Monsieur Camara !

Je vous remercie

Sylla Youn, pour earthguinea.org

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