Dans la zone industrielle de Lianyungang, à 500 kilomètres au nord de Shanghai, les ouvriers de l’usine Longshun Plastic Co. enfournent de vieilles bâches en plastique dans de grosses machines. Transformée en granules, cette matière recyclée sera utilisée dans la fabrication de portemanteaux, de bassines ou des gaines de câbles électriques.
Si les ouvriers s’activent, l’usine ne tourne plus qu’à la moitié de ses capacités. Son patron, Fan Yushun, s’est séparé d’une quarantaine d’employés ces derniers mois. Et l’entreprise a transféré une partie de son activité au Japon à la suite des restrictions imposées par la Chine sur les importations de déchets plastiques, entrées en vigueur le 1er janvier dernier .
« Cette décision radicale fait souffrir de nombreuses entreprises de recyclage en Chine », explique Fan Yushun, également vice-président de l’Association chinoise du plastique recyclé. Avant l’interdiction, environ 1.200 usines importaient des déchets plastiques étrangers. Aujourd’hui, plus d’un tiers sont à l’arrêt, un tiers a délocalisé à l’étranger et les autres essaient de se tourner vers les déchets domestiques. »
Déchets étrangers mieux triés
Les restrictions sur les importations ont privé les recycleurs d’environ la moitié de ce dont ils avaient besoin pour produire les granules plastiques. L’approvisionnement en déchets domestiques est toujours difficile, beaucoup n’ont d’autres choix que de s’installer à l’étranger. « Recycler au Japon coûte plus cher qu’en Chine, mais cela vaut encore la peine : les déchets plastiques sont de meilleure qualité et bien mieux triés qu’en Chine », poursuit Fan Yushun.
Les filières concernées par ces pénuries de matières premières ne cessent de croître à mesure que la Chine étend sa liste de déchets interdits d’importations. Seulement trois fabricants de papier journal tournent normalement, alertait cet été le président de l’Association chinoise des journaux. Nine Dragons, l’une des principales entreprises papetières chinoises, a annoncé ces derniers mois le rachat de plusieurs usines de pâte et de papier aux Etats-Unis. En outre, « les importations de pâtes à papier en Chine ont fortement augmenté ces derniers mois », constate Evguenia Dereviankine, avocate au cabinet UGGC.
Poubelle du monde
La Chine ne veut plus être la poubelle du monde et Pékin veut faire monter en puissance une véritable filière du recyclage. La Chine a beau être l’un des premiers pays producteurs de déchets, « elle ne dispose pas encore de toutes les infrastructures pour collecter, traiter et recycler efficacement les déchets », explique Antoine Grange, directeur général recyclage et valorisation de Suez en Asie.
Aujourd’hui, la collecte est souvent réalisée par de petits récupérateurs ambulants et l’enfouissement reste très important, engendrant une pollution des sols et des eaux. « Il y a encore peu de déchets ménagers recyclés, car il faut le temps que les filières se mettent en place, mais tout peut aller très vite en Chine », poursuit le dirigeant français, qui y voit une opportunité pour les groupes occidentaux.