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Guinée: Plaidoyer pour un « Cœur écologique marin » menacé

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Par Mohamed Lamine SIDIBE

Ingénieur en sciences de l’Environnement

Directeur Général du Milieu Marin et des Zones Côtières (Ministère de l’Environnement, des Eaux et Forêts)

Contexte général

Un environnement bien géré est créateur de projets, de mieux être et de mieux vivre. Cependant, l’environnement côtier guinéen, autrefois très florissant, est aujourd’hui fortement agressé et menacé par l’urbanisation anarchique, qui modifie constamment la cartographie du paysage. La Guinée est un pays minier, dont l’essentiel des infrastructures liées au secteur sont situées sur la zone côtière ; ce qui est à la fois une opportunité de développement économique, et un enjeu majeur pour la protection de l’environnement. En effet, les activités d’exploration, d’exploitation, de transport de minerais constituent des sources de pollution, de dégradation, et de perturbation du milieu naturel. A part sur les îles, peu de sites naturels du littoral guinéen, dans la partie continentale, gardent leur intégrité. Ce qui rend plus urgent la nécessité de protéger et conserver certains sites présentant un intérêt écologique particulier.

Cas particulier de la ville de Conakry A la fois capitale politique et économique de la Guinée, Conakry est une presqu’île d’environ 308 Km2, s’étendant sur une longueur de près de 47 km, et une largeur variable de 1 à 6 km par endroit. Sur le plan environnemental marin et côtier, on peut souligner de phénomènes notables : ➢ L’occupation abusive du littoral par des immeubles de grande hauteur, notamment au niveau de Corniche nord, modifie l’intensité et la direction du vent marin.

➢ La dégradation massive des superficies forestières, dans et autour de la ville, due à la pression urbaine, et au non-respect du plan d’urbanisme local. Autrefois considérée comme la perle de l’Afrique de l’Ouest, la ville connaît actuellement des pics exceptionnels de chaleur, et une urbanisation galopante et anarchique, qui a presque fini de grignoter toutes ses forêts urbaines et périurbaines. De ce fait, il ne reste plus que les forêts de mangrove, qui entourent et protège la ville contre l’érosion côtière et les inondations.

Des promoteurs immobiliers peu scrupuleux

Le phénomène insidieux, actuellement en vogue en Guinée, est de défricher la mangrove pour en faire des « champs maraichers », sans la moindre activité agricole, pour ensuite le reconvertir progressivement en zone d’habitation, hors de toute procédure réglementaire, et en faisant fi du plan d’urbanisme national.
C’est ainsi que, pour la première fois, des promoteurs immobiliers, peu sensibles aux enjeux environnementaux, ont réalisé un pont, pour franchir le bras de mer, qui constituait jusqu’à ce jour une barrière naturelle contre les intrusions et l’urbanisation.

Un rempart contre les menaces climatiques

C’est bien de planter des arbres, mais il est préférable de préserver le capital forestier et naturel dont nous avons été dotés. A ce propos, la ville de Conakry bénéficie de deux zones humides, constituées de forêts de mangrove, qui l’entourent et la protègent des phénomènes climatiques, tout en la servant de poumon écologique. En effet, en plus d’avoir un taux exceptionnel d’absorption du gaz carbonique, cinq à six fois supérieur à celui des forêts classiques, ces zones sont indispensables à la faune et à la flore marine, et à l’équilibre du littoral.

Les zones humides ont un rôle multifonctionnel, qui correspond à la fois à une valeur écologique, biologique, hydrologique, économique, patrimoniale, et sociale. Pour le cas particulier de la zone de Conakry, où il pleut abondamment et longuement, cette fonction hydrologique s’exprime par le fait que les zones humides réduisent les risques d’inondation, comme une éponge, en participant au stockage et à la restitution progressive de grandes quantités d’eau.

L’air humide qu’elles exhalent refroidit et allège l’atmosphère environnante en contribuant ainsi à l’atténuation de l’îlot de chaleur urbaine. Mieux, les zones préservées, non encore profanées par les activités humaines, constituent les derniers refuges des espèces menacées, rares et en voie de disparition.

Des outils juridiques qui permettent d’agir

Plusieurs textes et accords juridiques nous permettent d’agir afin de protéger le patrimoine naturel commun, et de veiller à son équilibre.
➢ Les Conventions internationales
– La convention sur la Diversité Biologique : L’article 8 sur la conservation in situ, de ladite convention énonce que : « Chaque partie contractante, dans la mesure du possible, et selon qu’il conviendra : a) Etablit un système de zones protégées ou de zones où des mesures spéciales doivent être prises pour conserver la diversité biologique ; …. c) Réglemente ou gère les ressources biologiques présentant une importance pour la conservation de la diversité biologique à l’intérieur comme à l’extérieur des zones protégées afin d’assurer leur conservation et leur utilisation durable ; d) Favorise la protection des écosystèmes et des habitats naturels, ainsi que le maintien de populations viables d’espèces dans leur milieu naturel;
– La Convention de Ramsar : L’article 4 de la Convention de Ramsar, à laquelle la Guinée est partie prenante, stipule que : « Chaque partie contractante favorise la conservation des zones humides et des oiseaux d’eaux en créant des réserves naturelles dans les zones humides, que celles-ci soient ou non inscrites sur la liste, et pourvoit de façon adéquate à sa surveillance ».
➢ La législation nationale

– Le Code de l’Environnement : L’article 56 dudit code fait explicitement référence à la nécessité de préservation et de classement des forêts, y compris des forêts de mangroves : « Les forêts, en tant que patrimoine national ; doivent être protégées contre toute forme de dégradation, de pollution ou de destruction causées notamment par la surexploitation, le surpâturage, les défrichements abusifs, les incendies, les brûlis, les maladies ou l’introduction d’espèces inadaptées. Lorsque le maintien de l’équilibre écologique l’exige, toutes portions de bois ou de forêts, quel que soient leurs propriétaires, peuvent être classés comme forêts protégées, interdisant par là même tout changement d’affectation ou tout mode d’occupation du sol de nature à compromettre la qualité des boisements et fixant les conditions d’utilisation de ladite forêt ».

Conclusions et sollicitations

Le degré de méconnaissance du rôle écologique de ces milieux, par les populations et les décideurs publiques, est un facteur aggravant et préoccupant. En effet, on n’est sensible qu’à ce qu’on appréhende le mieux.
Les actes, que nous posons aujourd’hui, sont ceux qui engagent notre avenir commun, et celui des générations futures. Une solution rapide et durable de la préservation de cette zone ne pourrait être trouvée qu’à travers des actions concertée, coordonnée, et soutenues par les partenaires engagés, que vous êtes, dans le cadre d’un projet ou programme, international, régional, ou national.

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