Le bulletin du gouvernement a accordé une interview à Fatoumata Chérif, Blogueuse-activiste, Consultante en communication dans la Rubrique Femme d’ici et d’ailleurs dans sa livraison du Bulletin BDG du Mois d’Aôut. Lire in extenso, l’interview.

Conakry, le 14 Septembre 2017 – Mademoiselle Chérif, vous êtes une passionnée de la communication, Bloggeuse-Activiste, initiatrice et coordinatrice de la campagne #SelfieDéchets, Initiatrice du concept #FemmeVision2030, Présidente de l’ONG femmes, pouvoir et développement (FEDEP), récipiendaire du Prix Femme leader d’exception 2016, et Meilleur Espoir Féminin 2017 pour ne citer que cela.

  Quel regard portez-vous sur ce long et riche parcours à ce jour ?

 Je vous remercie de me donner l’opportunité de communiquer à travers votre bulletin.

En revenant sur mon parcours, je dois tout d’abord rendre Louange au Tout Puissant pour la force qu’il m’a donnée de croire en mes rêves, et la santé nécessaire pour les mettre en œuvre. Mes parents pour le sacrifice consenti dans mon éducation et toutes ces personnes qui, de près ou de loin, n’ont cessé de croire en moi et à m’encourager.

 Je suis de nature visionnaire, obstinée et perspicace, ce qui me donne une allure de fonceuse. Dès que j’ai foi en quelque chose, je n’hésite pas à m’engager. Je suis de cette génération de ‘’ChangeMakers’’ qui pensent que la jeunesse a un rôle à jouer pour faire bouger les choses.

En faisant un retour en arrière, c’est vrai qu’il y’a de quoi à être fière vu les accomplissements. Mais j’estime que j’ai beaucoup d’autres défis à relever, je dois m’évaluer et m’imposer des résultats.

J’applique donc ces principes tant dans ma vie professionnelle que sociale.

Militante écologiste et fervente défenseur des droits de l’homme, Votre engagement vous a d’ailleurs valu plusieurs distinctions. Alors, quelles sont vos plus grandes fiertés aujourd’hui ?

Malgré les difficultés, je me réjouis de savoir que les combats que je mène, sont porteurs de solutions, de bonnes pratiques, surtout inspirants au-delà de nos frontières. Les thématiques développées sont des préoccupations d’actualités et les démarches entreprises pour leur mise en œuvre, durables.

 La question de changement climatique mérite plus d’engagement de la part de tous et de chacun car elle nous affecte et menace la vie des futures générations. Il est donc de l’intérêt de chaque entité (Gouvernement, Société Civile, Collectivités Locales, médias, Députés, Citoyens…) de s’impliquer pour que la tendance soit renversée. Les activités humaines, l’industrialisation, la surpopulation de la planète, la dégradation des terres et ses corollaires, impactent l’agriculture, causent des conflits, des migrations et des problèmes de sécurité. En tant que jeunes, nous devons nous armer des instruments nationaux, sous-régionaux, régionaux et internationaux qui promeuvent le rôle des jeunes. C’est un point déterminant pour atteindre l’agenda du développement durable à l’horizon 2030.

Vous travaillez actuellement comme Experte en Communication pour un programme appuyé par l’Union Européenne dans le cadre de la Réforme du Secteur de Sécurité, en quoi consiste exactement votre rôle ?

Le Programme d’Appui à la Réforme du Secteur de Sécurité (PARSS) est en place depuis février 2015. Il est financé par le 10ième Fonds Européen de Développement (FED). J’ai rejoint l’équipe de l’Assistance Technique en Novembre 2016. En tant Expert Communication du projet, j’ai pour rôle d’une part, d’assurer la visibilité des actions comme le prévoit le manuel de communication et de visibilité de l’Union européenne qui impose quelques normes et d’autres part, d’élaborer et de mettre en œuvre la stratégie de communication du comité national de pilotage de la réforme du secteur de sécurité (CNP-RSS). Entre autres activités quotidiennes, j’assure l’interface entre les médias, la société civile et le projet, j’appuie les différents Experts dans l’organisation matérielle de leurs activités telles que les ateliers, la liaison avec les prestataires, les points de presse, la rédaction d’articles de presse, la relation publique, la conception de kits de communication etc.

Dans les prochains mois, suite à la validation de la stratégie de communication du CNP-RSS, un panel d’activités impliquant les médias et les organisations de la société civile doit être lancé avec pour objectif, de faire connaître les avancées de la RSS, de renforcer l’image institutionnelle du CNP-RSS ainsi que pour promouvoir les actions menées pour améliorer la gouvernance des services de sécurité et leurs relations avec la population.

 J’ai donc proposé l’utilisation différents outils d’information, de communication et de sensibilisation qui faciliteront l’appropriation du mécanisme par toutes les parties prenantes du processus.

Dans la lutte contre le changement climatique et la Protection de l’environnement, vous avez initiez la campagne #selfieDéchets. Où en êtes-vous avec cette campagne qui a fait le tour du Monde ?

 

#SelfieDéchets est une initiative pour alerter, sensibiliser contre les déchets qui ont pris d’assaut la capitale Conakry jadis ‘’perle de l’Afrique’’. Elle associe les technologies de l’information et de la communication qui permettent de donner beaucoup plus de contenus médias : images, vidéos, audios, graphiques…

Il n’est de secret pour personne que notre pays souffre depuis des années d’insalubrité. Ce qui n’honore pas du tout le pays et sa population. C’est une question oubliée qui n’est pas au centre des préoccupations bien que des actions aient été prises dans ce sens, le chemin reste encore long. D’où l’idée de sonner sur l’alarme pour que la question soit de nouveau sur les tables de discussion.

Les ordures sont incinérées en plein air alors que notre code de l’environnement l’interdit formellement. La question des déchets est une question de santé publique car plus on investit dans la gestion des déchets, moins on investira dans la lutte contre les épidémies comme le paludisme, la typhoïde et les maladies diarrhéiques. Les déchets en Guinée sont cause d’inondations, de conflits, de sécurité. Pour s’en débarrasser, les brulent à côté des citernes d’essence, des câbles de courant haute tension, des écoles, des lieux publics pour ne citer que ceux-là.

 Comme acquis de la campagne, la jeunesse est désormais consciente des enjeux de la lutte contre l’insalubrité car prête à se mobiliser pour les opérations d’assainissement que nous menons. Nous faisons des sensibilisations pour conscientiser les populations sur les risques liées aux maladies infectieuses et respiratoires, des kits d’hygiène (gants, masques, savons, gels…) sont offerts aux agents chargés du transport des déchets (ils sont parfois en sandalette sans bottes et sans protection aucune), aux trieurs de déchets dans les décharges, des séances de partage de bonnes pratiques sont organisées pour sensibiliser au tri et au recyclage des déchets, au danger des déchets plastiques avec proposition de solutions alternatives. Plus loin, nous organisons des sessions d’éducation à l’environnement dans des écoles pour faire des élèves et des instituteurs, des acteurs de lutte contre la dégradation de l’environnement.

 Avec #SelfieDéchets, la question de l’insalubrité a refait surface dans les médias, dans les débats. Tous les médias internationaux avec une très forte audience en ont parlé, les médias nationaux n’étaient pas en reste. C’est dire que la question est capitale. Nous avions même alerté sur le risque d’éboulement de la décharge de concasseur après des jours de reportage et d’enquête sur place. Malheureusement, cette décharge a fini par faire des victimes ce mois d’Août.

 Nous en appelons à plus d’actions d’envergure pour éradiquer ce que moi je qualifie de pandémie guinéenne. Mais rien n’est perdu ! Avec beaucoup plus d’engagement, d’application des lois et des conventions que la Guinée a signées dans le cadre de la lutte contre le changement climatique et la protection de la biodiversité, la tendance pourra être renversée.

 Les déchets sont de l’or. La Guinée a aujourd’hui l’opportunité de transformer ce défi en résultats. En installant une usine, les déchets peuvent être transformés en charbon, en énergie, en biogaz, en engrais, en d’autres articles utiles. Avec sa biodiversité riche, la Guinée doit résolument s’engager à faire de ces villes, des exemples de ville verte et durable.

 #SelfieDéchets est cité aujourd’hui en exemple comme modèle d’activisme et fait même l’objet de thème de mémoire, de conférence dans beaucoup d’Universités au niveau international. L’initiative a été démultipliée dans beaucoup de pays d’Afrique tel qu’en Mauritanie, en RDC, en Côte d’ivoire, au Sénégal, au Togo, au Bénin… et récemment même à Marseille (France). C’est devenu un outil de monitoring de la Gouvernance du Secteur, de sensibilisation et d’éducation citoyenne. En Guinée, #SelfieDéchets a toute une communauté de jeunes qui sont engagés à rendre la ville propre. Et toutes ces actions ont été faites sur fonds propres.

 

 Vous excellez dans plusieurs domaines en Guinée et à l’étranger. Dans l’atteinte de vos objectifs, dites-nous, quels sont les défis qui se posent à vous présentement ?

(#FemmeVision2030,#SauvonsNosCorniches, droits des femmes et le développement durable)

En tant qu’activistes, nous sommes souvent incompris lorsque nous nous engageons à défendre certaines causes surtout, lorsqu’elles ne sont pas au centre des préoccupations communes. Mais cela ne devrait pas nous arrêter. En tant qu’acteurs de changement, nous sommes convaincus que le combat que nous menons a un sens, et que nous défendons les droits des plus vulnérables.

Comme défis, il y’a les facteurs sociaux et le manque d’application des lois. Nous sommes un pays où de bons textes sont rédigés. Ces textes devraient contribuer à sauvegarder notre environnement, protéger notre littoral, protéger nos filles contre les mutilations génitales, contre les mariages précoces et forcés, contre les viols. Il y’a aussi le fait que les principales cibles pour lesquelles nous nous battons, se sont résignées comme s’il n’y avait plus d’espoir. On entend souvent ‘’Oh ne te fatigues pas, c’est la Guinée’’.

Moi je crois en une Guinée qui reviendra sur la scène internationale comme modèle en termes de protection de l’environnement et des Droits Humains. Il y’a des avancées non moins négligeables, il faudrait juste un tableau de bord qui permette de déterminer les priorités avec des objectifs stratégiques, de corriger les erreurs et d’avancer.

Quand je lis certains documents sur la Guinée, j’ai parfois l’impression que nous étions en avance sur les Nations Unies sur les questions de genre, de promotion des jeunes et des femmes, d’entreprenariat et d’agriculture, de protection de la biodiversité. Il est donc temps de passer à l’action pour ne pas rater le rendez-vous du développement durable en 2030.

Pour ma part, je crois que si le Gouvernement travaille de concert avec la société civile, nous pourrons relever les défis de développement. Les activistes vont parfois très vites et les politiques eux, doivent tenir compte de certains aspects avant d’agir. Il faudrait donc une sorte de complémentarité entre les deux : la société civile comme source d’informations pour le Gouvernement pour améliorer la vie des populations ; et le Gouvernement pour aider à mettre à l’échelle, des actions positives initiées par les acteurs de la société civile.

Fatoumata Chérif, vous êtes sans aucun doute une Femme d’ici et D’ailleurs. Quel message aimeriez-vous faire passer aux lecteurs et lectrices du BDG ?

(Rires) Oui je me considère comme une citoyenne du monde, une altermondialiste.

Je profite de votre tribune pour lancer un appel au Gouvernement afin qu’il promeuve davantage de jeunes dans les instances de décisions, dans les conférences au niveau international, dans les missions diplomatiques.

 Avec leur vision éclairée sur les nouveaux défis mondiaux, les jeunes contribueront à l’atteinte des objectifs globaux. Malgré leur manque d’expérience, ils pourront s’appliquer avec le coaching des ainés. Mais pourrions-nous avoir de l’expérience sans essayer, sans nous tromper ? Comme le dit souvent le Pr Alpha CONDE, Président de la République de Guinée, Président en exercice de l’Union Africaine: ‘’La jeunesse est une bombe. Il faut donc investir dans les jeunes car ils maitrisent mieux les nouvelles technologies, il faut les impliquer dans les processus, leur faciliter la création d’entreprises pour relever les défis du développement et lutter contre l’immigration clandestine’’.

 J’invite donc les mécènes, le secteur privé et les Institutions, à faciliter les financements des projets de jeunes et à mettre en avant leurs talents.

 L’avenir est dans le vert, dans l’agrobusiness, dans la technologie et les énergies renouvelables. La Guinée a du potentiel pour devenir le grenier et le hub énergétique de la sous-région. Il faut promouvoir la production locale, la transformation et l’exportation de nos produits, le commerce équitable pour accroitre la croissance. Cela ne pourrait se faire si nous ne désengorgeons pas le secteur des transports, de l’énergie et des infrastructures et en accordant une place centrale à la formation professionnelle. Il faut également promouvoir les connaissances des populations autochtones qui vivent de la terre, autonomiser les femmes afin qu’elles puissent à leur tour, s’impliquer dans l’éducation de leurs filles.

 Je souhaite également que chaque citoyen guinéen, qu’il soit résidant en Guinée ou de la diaspora, porte en lui le patriotisme, mette en priorité l’intérêt supérieur de la nation. C’est en agissant ainsi que nous pourrons réduire le fossé des inégalités sociales et impulser le développement de la Guinée.

Je vous remercie.

 Pour consulter et télécharger ce nouveau numéro, merci de cliquer ici https://goo.gl/E1DPeb

 

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