Les polymères portent de nombreux torts à la biodiversité : étouffement ou famine pour les animaux qui les ont ingérés, pollution du milieu marin, prolifération d’espèces invasives…

Les milliards de fragments de déchets qui s’agglomèrent, pour des centaines d’années, dans les gyres au centre des océans, portent de nombreuses atteintes à la faune et à la flore marines. L’exemple le plus – tristement – emblématique est celui des tortues qui s’étouffent avec des sacs plastiques qu’elles prennent pour des méduses. « Ce sont les espèces les plus sensibles aux déchets, explique François Galgani, océanographe et chercheur spécialiste des déchets à l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer. Les études ont montré qu’un tiers de certaines espèces de tortues échouées avaient ingéré des plastiques. »

MUTILATIONS, SUFFOCATIONS ET FAMINES

Plus généralement, les détritus constituent une menace pour une large partie de la faune marine : les déchets les plus gros causent blessures, infections ou mutilations aux animaux par effet « d’emmêlement », par exemple avec des filets ou des sacs. Les microfragments, réduits sous l’effet du sel, des ultraviolets et des mouvements de l’eau, ont quant à eux été ingérés par au moins 267 espèces dans le monde (86 % des tortues de mer, 44 % de toutes les espèces d’oiseaux, 43 % de mammifères marins), selon un rapport de Greenpeace de 2006 (PDF) qui compilait les études de chercheurs européens et américains. Avec des conséquences graves : intoxications, empoisonnements, occlusions intestinales, suffocations ou noyades.

>> Lire l’article : « Le ‘7e continent de plastique’ : ces tourbillons de déchets dans les océans« 

« Les nombreux fragments de plastique ingérés par les animaux ne leur laissent plus de place dans l’estomac pour manger. Ils meurent alors le ventre vide », déplore François Chartier, chargé de campagne « océan » de Greenpeace. Au total, l’ONG estime qu’environ un million d’oiseaux et 100 000 mammifères marins meurent chaque année de l’ingestion de plastiques.

POLLUANTS CHIMIQUES

Seconde conséquence néfaste de ces amas colossaux de détritus : les plastiques sont de véritables éponges à polluants organiques persistants, comme le DDT (dichlorodiphényltrichloroéthane, un pesticide) et les PCB (polychlorobiphényles), ainsi qu’à phtalates ou à métaux lourds. « En se dégradant, les morceaux de plastique relâchent ces éléments, qui s’avèrent toxiques pour l’ensemble de la chaîne alimentaire. Les concentrations sont suffisamment élevées pour provoquer des dommages », assure Chris Bowler, chercheur au CNRS au département de biologie de l’Ecole normale supérieure.

Si les conséquences pour la faune et la flore semblent avérées, les risques pour l’homme sont, eux, moins clairement établis. « Il n’y a pas de risque pour la consommation, assure François Galgani. Les quantités ne sont pas suffisantes pour affecter les organismes humains, d’autant que nous ne mangeons que peu de petits poissons et pas l’estomac des gros poissons. » Pour François Chartier au contraire, ces contaminants chimiques peuvent s’avérer préjudiciables sur le long terme, selon le principe du cumul des faibles doses.

ESPÈCES INVASIVES

Un autre risque entraîné par les polymères, moins connu mais néanmoins inquiétant, réside dans la prolifération de certaines espèces invasives. « Les fragments deviennent des supports pour certaines espèces qui sont ainsi transportées, avec les courants, dans des zones où elles ne se seraient pas développées et reproduites sinon, explique François Galgani. Ces espèces prennent alors la place d’autres, ce qui risque de créer des déséquilibres des écosystèmes marins. »

C’est ce qu’il se passe avec une espèce d’araignée d’eau, l’Halobates sericeus. Si cet insecte est capable de vivre dans un milieu marin, il a en effet besoin d’un terrain solide pour y pondre ses œufs. La gigantesque plaque de déchets flottant dans le nord du Pacifique, épaisse par endroits de plusieurs dizaines de mètres, lui fournit un incubateur parfait. Selon une nouvelle étude de l’université de Californie à San Diego, publiée mercredi 9 mai par la revue Biology Letters de la Royal Society britannique, cette espèce d’araignée est ainsi en train de proliférer.

« Si la densité de ces microplastiques continue à augmenter, les espèces qui leur sont associées, comme Halobates sericeus, pourraient elles aussi continuer à se multiplier, peut-être au détriment de leurs proies », le zooplancton et les œufs de poisson, au risque de déséquilibrer l’ensemble de l’écosystème du Pacifique, mettent en garde les chercheurs.

MICRO-EFFET POSITIF

Le plastique, s’il s’avère donc largement néfaste, aurait néanmoins un effet, positif cette fois, en ce qui concerne les micro-organismes. « Dans les océans, le phytoplancton coule vers le fond. Mais dans les gyres où se trouvent les plaques de déchets, il se fixe sur des petites particules de plastique, qui le maintiennent à la surface, explique Chris Bowler. Il est donc plus exposé au rayonnement solaire, ce qui augmente le taux de photosynthèse. L’hypothèse sur laquelle nous travaillons est celle d’une plus forte absorption du dioxyde de carbone (CO2) de l’atmosphère. »

Lueur d’espoir en effet, l’énergie solaire permet à ces micro-organismes de réaliser la photosynthèse nécessaire à leur développement en se nourrissant de dioxyde de carbone. Une maigre consolation toutefois.

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/planete/article/2012/05/09/les-plastiques-des-dechets-nefastes-pour-les-ecosystemes_1698047_3244.html#S7kCP1xBC1IMIKVz.99

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