ANALYSE DE L’INTERDICTION DU MONOPOLE (Mohamed CAMARA Associé Gérant Cabinet Conseil MOCAM CONSULTING)
Le Président de la transition a annoncé la fin des monopoles en Guinée depuis le 5 septembre 2021, date de la prise du pouvoir par le CNRD. Colonel Mamadi Doumbouya a réitéré que tous ceux qui souhaitent importer ou produire localement tout types de produit doivent pouvoir le faire au bénéfice des populations.
Cette situation suscite des observations quant à sa nécessité et mieux sa pertinence d’autant plus que le COMMUNIQUÉ qui a suivi le compte rendu du conseil des Ministres n’a pas fait mention d’exposé de motifs.
Qu’est-ce qu’un monopole ?
Un monopole est une situation de marché dans laquelle un seul vendeur fait face à une multitude d’acheteurs. Le bien ou le service distribué ne doit pas être substituable. De fait, les vrais monopoles sont très rares, car dans la plupart des cas, d’autres produits peuvent remplir la même fonction.
Par exemple, avant l’ouverture du secteur de la téléphonie à la concurrence, la SOTELGUI disposait d’un monopole.
Comment expliquer l’existence d’un monopole ?
Le monopole s’explique par l’existence de « barrières à l’entrée », ce qui signifie qu’il est impossible pour d’autres entreprises de pénétrer le marché. Les barrières à l’entrée sont de plusieurs types :
l’existence de coûts fixes importants compte tenu de la taille du marché (infrastructures coûteuses comme dans le cas du sur secteur des TIC, coûts de recherche et développement très élevés) ;
l’existence d’économies d’échelle dans certains secteurs d’activité à rendements croissants qui ne permettent pas à des entreprises de petite taille d’être rentables (électricité, gaz, eau potable, etc.). Il y a des économies d’échelle, si le coût unitaire baisse lorsque la production augmente. La concentration de la production au sein d’un monopole permet ainsi de réduire le coût unitaire ;
l’État ou une collectivité peuvent être à l’origine d’un monopole légal en restreignant de façon réglementaire la concurrence sur un marché afin de poursuivre certains objectifs stratégiques ( armement) ou d’aménagement du territoire, pour garantir un service public (distribution d’eau) ou pour imposer sa gratuité. Les pouvoirs publics peuvent également permettre à certaines firmes innovatrices de détenir un monopole légal temporaire à travers la protection offerte par les brevets sur l’invention d’un nouveau procédé de fabrication ou un nouveau produit.
Le pouvoir de monopole
Une entreprise qui est seule sur un marché peut fixer le prix qu’elle souhaite. Ce prix est supérieur au prix qui serait pratiqué sur un marché concurrentiel. Mais celui-ci ne peut toutefois augmenter sans limite. C’est la demande du consommateur qui va limiter le pouvoir de monopole d’une entreprise. Celle-ci tend à baisser lorsque le prix augmente.
EXAMEN DE LA POLITIQUE COMMERCIALE DE LA GUINÉE 4eme revue
À l’OMC, la Guinée a consolidé environ 40% de ses lignes tarifaires, soit tous les produits agricoles et près de 30% des produits non agricoles, à des taux allant de zéro à 75%. La moyenne simple des taux consolidés est de 20,4%, soit 39,6% sur les produits agricoles et 9,9% sur les produits non agricoles. En tant que membre de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), la Guinée applique, depuis 2017, le tarif extérieur commun (TEC), entièrement ad valorem et aux taux de zéro, 5%, 10%, 20% et 35%. En conséquence, sur plus de 600 lignes tarifaires, les taux de droits de douane appliqués dépassent les consolidations effectuées par la Guinée à l’OMC. Toutefois, dans l’ensemble, le niveau moyen de protection tarifaire n’a pas changé depuis 2011, et demeure à environ 12%.
Les régimes de la Guinée en matière d’obstacles techniques au commerce et de mesures sanitaires et phytosanitaires mériteraient d’être améliorés à travers, entre autres, une meilleure coordination entre les diverses instances chargées de ces questions et du contrôle de qualité aux frontières. Le régime de la concurrence a été peu invoqué sur la période. Doté d’un cadre institutionnel complexe, le régime des marchés publics a favorisé l’attribution des marchés par la méthode du gré à gré, avec un pic de plus de 92% des marchés publics par cette méthode en 2016. Par ailleurs, la Guinée n’a pas encore notifié à l’OMC sa législation sur les droits de propriété intellectuelle. Elle n’a pas ratifié le Protocole portant amendement de l’Accord sur les ADPIC, qui pourrait lui permettre un meilleur accès aux médicaments à moindre coût. Elle n’a pas non plus désigné un point de contact au titre de l’article 69 de l’Accord sur les ADPIC. La Guinée n’a notifié ni de mesures antidumping, compensatoires ou de sauvegarde, ni de soutien à l’exportation.
Politique de la concurrence et contrôle des prix
Le cadre réglementaire de la concurrence et du contrôle des prix n’a pas changé depuis le dernier EPC de la Guinée. Il repose sur la Loi n° L/94/40/CTRN du 28 décembre 1994 et son Décret d’application n° D/94/119/PRG/SGG. L’Arrêté n° 9579/MCIPME/SGG/2004 du 13 septembre 2004 met en place un Comité consultatif permanent de la concurrence et des prix (CCPCP) qui est très peu opérationnel. Au sein de la Direction nationale en charge du commerce et de la concurrence, l’Observatoire national de la concurrence et des prix (ONCP) collecte les informations sur les prix des biens stratégiques et de première nécessité en vue d’informer et de proposer au CCPCP des mesures pour prévenir la fixation de prix excessifs. Il veille en outre à l’application des textes réglementaires et légaux relatifs à l’exercice de la profession de commerçant, à la libre concurrence, et à l’usage des unités de mesure légale.
En période de forte hausse de prix ou de pénurie l’État achète des denrées alimentaires, telles que le riz et le sucre pendant le mois de ramadan au prix mondial et les revend au prix subventionné. Jusqu’à l’entrée en vigueur du TEC, l’État prenait en charge 10 points de pourcentage sur le taux du riz 25% de brisure (12,5%). Après l’entrée en vigueur du TEC, L’État fait appel à des grossistes pour exécuter les importations et mettre les produits sur le marché au prix convenu. La différence des charges leur est rétribuée par l’État au bout de 90 jours. Les prix de ces produits sont suivis sur une base journalière par les services du Ministère du commerce.
Politique de concurrence
En principe, les actes anticoncurrentiels suivants sont prohibés: toute action concertée ou non, toute convention, entente expresse ou tacite, ou toute coalition ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet d’empêcher ou limiter l’accès au marché ou le libre exercice de la concurrence à d’autres personnes physiques ou morales, de faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu de la loi de l’offre et de la demande, en favorisant leur hausse ou leur baisse artificielle. Est également prohibé l’abus par une entreprise ou un groupe d’entreprises d’une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci. Ces actes sont passibles d’une amende de 1 200 000 francs guinéens à 6 000 000 francs guinéens.
Sont interdits toute action ou tout propos tendant à dénigrer un concurrent, à désorganiser ou perturber le marché, à créer la confusion dans l’esprit public, la pratique des prix d’appel, la vente à perte, la corruption pour s’attacher une clientèle, le refus de vendre un produit ou un service à un consommateur y compris la dissimulation d’une marchandise sans motif légitime, les ventes et prestations de services jumelées, et l’imposition de prix de vente au détail. Ces actes sont passibles d’une amende de 600 000 francs guinéens à 1 200 000 francs guinéens.
Réglementation des prix
En principe, la législation guinéenne instaure la liberté des prix. Toutefois, elle autorise, lorsque des circonstances exceptionnelles font que le prix de vente d’un bien stratégique ou de première nécessité devient manifestement sans rapport avec son prix de revient, des mesures temporaires de réglementation des prix, par arrêté du Ministre en charge du commerce et par décret d’application, après avis du CCPCP.
En 2004, le CCPCP a dressé la liste des biens de première nécessité et des biens stratégiques. Le critère principal retenu pour l’établissement de la liste des biens de première nécessité est que leur consommation est indispensable à la satisfaction des besoins vitaux. Il s’agit des biens suivants: l’eau potable; le riz; l’huile végétale; le poisson; la tomate; la viande; la farine de blé; le pain; le lait; et le sucre. Les prix des denrées alimentaires et autres produits sont fixés au cas par cas. En ce qui concerne les biens stratégiques, le critère retenu est leur importance dans l’atteinte des objectifs de développement économique et social. Les biens concernés sont les suivants: les produits pétroliers (essence, gasoil, pétrole, gaz butane) dont les prix sont fixés par homologation; les matériaux de construction (ciment, fer à béton, tôles); les produits pharmaceutiques; les produits phytosanitaires; les intrants agricoles, de pêche et d’élevage; et les fournitures scolaires.
Selon les autorités, seuls les prix des produits pétroliers et du riz importé et subventionné par l’État sont sous surveillance. Cependant, la liste des produits n’a pas été actualisée depuis 2004. En général, le CCPCP et l’ONCP se réunissent en sessions pour décider de la structure des prix, après une phase de collecte d’informations et de travaux en sous-commission. La collecte d’informations porte notamment sur:
•les factures et autres informations fournies par les opérateurs économiques; •les statistiques douanières et les données fournies par la Douane; •les résultats des investigations menées auprès des unités de productions locales ou étrangères des biens concernés; et•les données sur l’évolution de la production et des prix des principaux produits importés sur les marchés guinéens.
Les travaux en sous-commission consistent à analyser les données collectées, en vue de déterminer les marges applicables et les prix de vente plafond, au regard de certains facteurs économiques (taux de change, coûts de transports, etc.). Seules l’homologation et la fixation des marges sont effectuées par le Ministère du commerce.
OBSERVATIONS SUR LE COMMUNIQUÉ DU MINISTRE :
Sur la forme : 1- Ce communiqué qui sonne comme une réglementation manque d’exposé de motifs : Le Ministre ne nous dit pas en amont, la situation précise de distorsion de marchés qui motive cet acte. 2- En Guinée, un Ministre statue par Arrêté ou Décision et non par communiqué
Sur le fond, sans exposé de motifs, chacun est libre de conjecturer, ce pendant, je donnerai un seul exemple:
Le Président de la transition, le Colonel Mamadi DOUMBOUYA a créé la Société Nationale des Pétroles (SONAP) qui a pour mission la mise en œuvre de la politique du gouvernement dans le domaine du secteur Pétrolier. L’Etat accorde à la Société Nationale des Pétroles (SONAP) le monopole de droit d’importation des produits Pétroliers et dérivés en République de Guinée.
Ma question : est-ce que le communiqué du Ministre CIPME annule le décret du Président ?