Le secteur artisanal est l’un des plus touchés par la pandémie du Coronavirus. Ici, les activités se restreignent, le marché devient de plus en plus rare et l’économie se rabaisse considérablement. Dans un entretien, Saïbou Kaba, sculpteur et président des marchands d’art en face de l’hôtel Camayenne à Conakry, pousse un cri d’alarme.  

« Actuellement, nous vivons dans des conditions très difficiles. Nous, on dépend des expatriés, et si à cause de Coronavirus on ferme les transports terrestres, les aéroports et les frontières maritimes, alors il n’y aura pas de vente chez nous », déplore ce maitre sculpteur que nous avons rencontré devant sa boutique en face de l’hôtel Palm Camayenne.

Et de surcroit, un guinéen sur dix consomme les œuvres d’art produites localement, nous explique notre interlocuteur, ce qui rend d’ailleurs le marché encore plus vulnérable, « nos produits ne sont jamais achetés par des guinéens. Quand tu vas dans certaines maisons de certains guinéens, tu ne verras que des porcelaines et d’autres objets qui sont vendus par les blancs ».

Ce dernier estime que « ce que nous faisons est purement artisanal et africain. Des étrangers qui savent ce que nous faisons, puisque nous vendons l’image de notre pays. Mais avec les guinéens, on n’a pas de marché, et on n’a même pas l’espoir d’avoir le marché avec eux », regrette le sculpteur.

Selon lui, ce désintéressement du guinéen face à sa propre culture est dû au manque de sensibilisation, puis il ajoute : « C’est un problème culturel d’abord, ils ne sont pas cultivés dans ce sens, pour dire que oui c’est des produits qui sont fabriqués chez nous, donc on va prendre pour amener à la maison, ils ne sont pas habitués à ça ».

Poursuivant, il pense que « l’Etat doit mettre en place une institution pour faire connaitre l’importance de nos œuvres d’art. Ce que nous, nous faisons, c’est pour tout le monde. Ce sont des objets de valeur et qui sont bien d’être dans les maisons. Et si en Guinée, on n’est pas éduqué pour connaitre notre propre valeur culturelle, ça devient un handicap pour nous les artisans ».

Par ailleurs, vu des difficultés que rencontre ce secteur, il lance un appel à l’endroit des autorités pour une assistance technique et/ou financière, « même pas par rapport au coronavirus. D’abord quand Ebola était là, on a vécu la même situation. Et pendant deux ans, les touristes étrangers fuyaient la Guinée, ça veut dire qu’on a fait deux ans de calvaire sans marché. Et depuis cette période, les autorités devraient penser à nous. Mais depuis qu’Ebola est fini, on n’a bénéficié d’aucune assistance. On se débrouille nous-mêmes pour surmonter certaines difficultés. Et au moment où on atteint le milieu de la barre, voilà le coronavirus qui vient aussi se présenter et balayer tout ce qu’on a pu faire ».

Conscient de leur souffrance, il interpelle les autorités de les aider à améliorer leur condition de vie. Il cite : « Il faut un centre artisanal pour nous regrouper. On est dispersé un peu partout, et aucune aide ne nous a été octroyée. Sur le plan touristique, je dirai que le pays est nul. Et même pour avoir le transport parfois pour aller à la maison, c’est des problèmes ».

Pourtant, dit-il, « l’Etat doit penser au moins pour aider les artisans, qui dépendent cent pour cent des expatriés. Il faut que le ministère du tourisme et la primature essayent de penser à tous les guinéens, mais la priorité doit être le secteur artisanal ».

« Récemment, on a eu deux incendies où quatre boutiques ont été calcinées, et jusqu’à présent on est en train de taper à toutes les portes pour nous aider mais impossible ».

Et pour clore, il ajoutera ceci : « l’Etat doit essayer de jouer son rôle, en tant que leader, en pensant à ses citoyens, en essayant de faire un partage équitable. Et les priorités doivent être prises en compte ».

Sylla Youn, pour earthguinea.org  

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